Politique

Fritz Alphonse Jean : une capture de trop ? Quand il travaille pour son clan Mevs et met la transition au service de ses intérêts privés

Alors que son mandat de cinq mois à la tête du Conseil Présidentiel de Transition (CPT) touche à sa fin, Fritz Alphonse Jean laisse derrière lui un goût amer de division, de manœuvres opaques, et surtout, de collusion supposée avec un clan économique bien connu : la famille Mevs. La polémique autour du dossier de la Caribbean Port Services (CPS) révèle ce que certains dénoncent déjà comme la dernière tentative d’un homme seul, agissant contre l’intérêt général.

Tout commence avec une note officielle publiée le 4 août 2025 par le Bureau de communication de la Présidence. Celle-ci apporte des éclaircissements sur le contrat liant l’État haïtien à la société CPS, gestionnaire de terminaux portuaires via l’Autorité Portuaire Nationale (APN). Le texte affirme, documents à l’appui, que le contrat est légal, conforme aux décrets de 1978, 1985 et 1964, et que la CPS s’acquitte chaque année de 750 000 dollars en droits de fermage.

Mais à peine la note publiée, une contre-offensive médiatique est lancée par le président du CPT lui-même, Fritz Alphonse Jean, via un avis publié uniquement par son propre bureau de communication, sans diffusion sur les canaux officiels de la Présidence. Dans cet avis daté du 6 août – la veille de la fin de son mandat –, il s’insurge contre cette publication, nie l’avoir autorisée, évoque des « pressions », des « menaces de révocation » contre ses collaborateurs, et exige que le dossier CPS fasse l’objet d’un avis formel de la Cour Supérieure des Comptes et du Contentieux Administratif (CSCCA).

Un président de transition… ou un président captif ?

Mais derrière cette protestation, une réalité bien plus troublante se dessine : celle de Fritz Jean agissant comme bouclier politique pour les intérêts de la famille Mevs, propriétaire du terminal TEVASA, concurrent direct de CPS.

Depuis des décennies, TEVASA domine l’espace portuaire haïtien, souvent sans respecter ses engagements contractuels : pas de paiement des droits de fermage annuels estimés à 1 million de dollars, non-remboursement d’un prêt public destiné aux citernes de carburant, et contrôle maintenu du port de Varreux, malgré l’annulation du contrat de 1993 par le Sénat pour irrégularités. La dette cumulée de TEVASA envers l’État haïtien dépasserait aujourd’hui 300 millions de dollars.

Et pourtant, alors que la CPS respecte ses obligations, Fritz Jean s’est acharné contre elle. Selon plusieurs sources proches du dossier, le président du CPT aurait été l’objet de promesses politiques et financières de la part de la famille Mevs, en échange d’un soutien actif à la suppression du contrat CPS.

L’épisode de la note du 4 août marque un point de rupture. Les deux autres membres du groupe de trois, Leslie Voltaire et Edgard Leblanc Fils, qui jusqu’ici soutenaient Fritz Jean, ont rompu avec lui à trois jours de la fin de son mandat, refusant de cautionner cette dérive unilatérale. Cette rupture a valeur de symbole : Fritz Jean a fini seul, sans soutien au sein du CPT, ni des organes de communication de la Présidence.

Le contenu de son avis personnel – non validé, non diffusé officiellement – n’est rien d’autre qu’un aveu de l’impasse dans laquelle il s’est enfermé, transformant la transition en one-man show, où les institutions sont utilisées à des fins personnelles ou pour régler des comptes politiques et économiques.

Des soupçons de pacte financier et de déstabilisation

Selon des révélations persistantes, les Mevs auraient promis à Fritz Jean la somme de 3 millions de dollars s’il parvenait à faire annuler le contrat de CPS. Toujours selon ces sources, un plan de déstabilisation du pays avait été envisagé pour empêcher l’installation de Laurent Saint-Cyr, pressenti comme nouveau coordonnateur du CPT, perçu comme pro-CPS.

Fritz Jean aurait confié à certains proches qu’il refusait de céder dans le chaos, tout en sachant pertinemment que des acteurs comme Nenel Cassy, la famille Mevs et des membres du secteur portuaire tramaient une déflagration politique pour maintenir l’emprise de TEVASA.

Mais le plan a échoué. Laurent Saint-Cyr est bel et bien en train de s’installer à la tête du CPT, et l’isolement final de Fritz Jean marque la fin d’une présidence de transition qui aura davantage servi les puissants que le peuple haïtien.

Une transition capturée par les intérêts privés

Ce que révèle cet épisode, ce n’est pas simplement une division institutionnelle, mais la profondeur de l’infiltration des intérêts privés dans les sphères de l’État, et la facilité avec laquelle des personnalités comme Fritz Jean peuvent être instrumentalisées par des clans économiques puissants.

En sabotant le contrat CPS, en s’acharnant contre les efforts de clarification menés par le gouvernement, et en refusant la transparence au nom d’une pseudo-légalité, Fritz Jean a trahi l’idéal de la transition, et contribué à affaiblir un peu plus la confiance du peuple dans les institutions.

L’excès en tout nuit

À vouloir tout contrôler, tout empêcher, tout centraliser, Fritz Jean a tout perdu : son autorité, ses soutiens, sa crédibilité. Un président qui finit par signer seul, contre tous, n’est-il pas le symbole d’un pouvoir qui a oublié sa mission de service public ?

Les Haïtiens retiendront peut-être que le mandat de Fritz Jean n’a pas été celui de la réforme, mais celui d’une capture d’État maquillée sous le vernis d’un discours de légalité.

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